Canicule
I
Un chien aboie
dans la nuit
contre qui
Un homme boit
cette nuit
contre lui
Ceci n’est pas de la poésie
C’est un homme qui s’enroule
au milieu des orties
Ce n’est pas de la littérature
c’est un chien qui aboie quand
passe les voitures
Un chien se mord les doigts
un homme se mord la queue
Au milieu passe
Dans la nuit
la caravane
un chien aboie
Contre qui
cette nuit
au milieu de ces lieux
Un homme boit
contre lui
Un chien se mord les doigts
un homme
Et la caravane passe
écrasant au passage
Ceci n’est pas
c’est un homme qui
Au passage
un chien aboie
c’est un chien
Qui s’enroule
écrasant au passage
Dans la nuit
la caravane passe
lieux communs
Un homme et un chien
écrasant au passage
une femme et son enfant
Au beau milieu de la poésie
« I’m not in your dream »
says the dog
ti the drinking man.
II
« Le jour où la canicule se lève, la mer bouillonne, le vin tourne, les chiens deviennent enragés, la bile augmente et s’irrite, tous les animaux tombent en langueur et dans l’abattement ; les maladies qu’elle cause le plus souvent sont les fièvres ardentes et continues, la dysenterie et les frénésies »
Pline.
III
« I’m not in your dream » says the dog to the drinking man.
L’homme est arrivé au bout, repoussant du revers de la main un mot de trop qui traîne sur la chaussée comme un débris de verre brisé par l’alcool. Le chien n’est plus dans son rêve, et pourtant il ressent encore vivement la morsure infligée pas ses crocs.
L’homme est arrivé au bout de la route et le chien a disparu. Il attend alors, écrivant quelques mots épars, une caravane qui ne passe plus depuis des lustres. Il boit ce qui lui reste de vinasse et rend tout aux étoiles quand celles-ci ruissellent sur son front. Il s’effondre sur les bas-côtés et s’enroule au milieu des orties comme dans un drap d’amertume. Parfois une écume grisâtre s’échappe d’entre ses lèvres carminées. Parfois un inaudible gargouillis de sujets, de verbes et d’adjectifs peu qualificatifs. Parfois rien.
Au beau milieu de la poésie.
IV
A flairer le cul du chien l’homme se sent-il plus humain ?
V
Le chien
aboie
aux étoiles
de l’homme au
regard
crucifié qui
un beau jour a
arrêté
l’idée du monde.
VI
Dehors un jour se lève
le vent léger souffle sur la plaine de nos corps
allongés nus sur l’herbe bleue
à l’endroit flou de notre rectitude
au beau milieu de la poésie.
VII
« I’m not in your dream » says the dog.
